Attraper Kathrine Switzer relève du défi. Hyperactive, l’Américaine écrit, voyage, multiplie les conférences, et quand elle ne commente pas les marathons au micro, elle les court encore. Résultat: elle n’est que très rarement «chez elle», que ce soit dans sa maison de New Paltz, dans la région de New York, ou à Wellington, en Nouvelle-Zélande, où elle passe la moitié de son temps.
Kathrine Switzer est devenue une icône en 1967. Tout comme son dossard 261. Cette année-là, le 19 avril, elle est la première femme officiellement inscrite au marathon de Boston. Son temps n’a rien de révolutionnaire: elle l’a parcouru en 4 heures et 20 minutes, une heure de plus que Bobbi Gibb, la véritable première femme à s’être attaquée à ce marathon, en 1966, mais sans dossard. C’est pourtant bien son nom que l’on retiendra. Après avoir convaincu son entraîneur Arnie Briggs, elle s’est inscrite sous «K.V. Switzer, Syracuse», des initiales qu’elle utilisait déjà à l’école en hommage aux écrivains J. D. Salinger et E. E. Cummings, mais aussi parce que son prénom a été mal orthographié sur son acte de naissance. Malgré ces initiales asexuées, elle n’a pas pour autant masqué sa féminité. Ce 19 avril, Kathrine Switzer portait du rouge à lèvres.
Un incident survenu au sixième kilomètre changera sa vie. Un journaliste, posté sur un camion de presse, hurle qu’une femme court. Furibard, choqué – courir était alors encore presque considéré comme une déviance, alors imaginez, une femme! – Jock Semple, l’organisateur, lui lance: «Dégage de ma course, et rends-moi ces numéros!». Il tente de lui arracher son dossard. Kathrine Switzer résiste. Son petit ami, qui courait à ses côtés, repousse Jock Semple d’un brusque coup d’épaule. La scène est immortalisée par un photographe du Boston Traveler. La jeune femme de 20 ans finira par franchir la ligne d’arrivée, les pieds en sang. Mais elle sera disqualifiée et radiée de la Fédération américaine d’athlétisme.